SCHWALLER M., MARCHAND G., LEJARS T. Daniel ORLIAC D., GARDEISEN A., JANIN T., SANMARTI E. (coll.), - Ensérune (Nissan-Lez-Ensérune), La nécropole du second Âge du Fer, Lattes, ADAL, Monographie d'Archéologie Méditerranéenne n°38, 2018.

Résumé

La nécropole du second âge du fer d’Ensérune compte plus de 500 tombes, datées entre le milieu du Ve s. et la fin du IIIe s. av. J.-C. et demeure à ce jour le groupe de sépultures le plus important de Méditerranée nord-occidentale pour cette période chronologique. Au terme de cette étude il apparait que, compte tenu de l’ancienneté de la majorité des découvertes, seuls deux tiers environ des tombes sont réellement utilisables afin d’analyser les caractéristiques et le développement de cette nécropole, mais aussi dans la perspective de confronter les pratiques funéraires ici mises en œuvre avec celles de Gaule méridionale et des régions limitrophes.

Comme dans l’ensemble du monde indigène du Languedoc occidental, depuis le Bronze final, le traitement du corps est toujours l’incinération et toutes les classes d’âge sont concernées, à l’exception des périnatals et des très jeunes enfants. Une évolution des modes de sépulture et de la composition des dépôts est cependant bien perceptible. Jusque dans le premier quart du IVe s., on rencontre des tombes dépourvues de vase cinéraire, qui coexistent à partir de ce moment avec d’autres, quant à elles munies d’un ossuaire qui, dans la majorité des cas, consiste en une urne ou une cruche à pâte claire. Une modification significative des dépôts est observée à partir du dernier quart du IVe s., en ce sens que l’ossuaire est désormais rarement le seul vase présent dans la tombe. Le mort est pourvu de ses objets personnels, brûlés avec lui. Durant cette phase de plus d’un siècle, deux faits émergent, à savoir la place de l’armement et l’abondance des dépôts de faune.

Durant toute la période d’utilisation de la nécropole, les objets témoignent de contextes différents. Ensérune est un creuset pour cette approche centrée autour du contact de cultures, dans ce monde indigène ouvert essentiellement sur trois horizons, les mondes ibère, grec et laténien. Au second âge du Fer il semble en effet que ces influences exogènes soient moins superficielles qu’auparavant, sans toutefois bouleverser l’enracinement indigène, comme en témoigne la continuité des pratiques funéraires. Dans ce mélange de cultures matérielles, favorisé sans doute à Ensérune par le cas particulier de sa situation géographique, ce groupe ibéro-languedocien entre Hérault et Pyrénées présente un mélange d’éléments méditerranéens et d’éléments continentaux, somme toute assez minoritaires sauf dans le domaine de l’armement et de la parure où les schémas laténiens dominent.

La découverte de nécropoles importantes, abordées avec les exigences de l’archéologie funéraire désormais bien en place, permettrait sans aucun doute d’avancer de manière plus incisive sur la finesse de ces changements ou les détails de tel ou tel aspect de ces pratiques liées à la mort et à la composition des objets mis en scène. Ensérune conserve néanmoins une image de nécropole exceptionnelle, tant par la masse et la qualité documentaire des mobiliers et des assemblages que par le rôle que cette fouille a joué dans l’émergence et le développement de la discipline archéologique depuis le début du XXe s.

 

Abstract

The second Iron Age necropolis of Ensérune has more than 500 graves dated between the middle of the 5th century and the end of the 3rd century BC. It remains the largest group of burials in the northwestern Mediterranean for this chronological period. At the end of this study, it appears that given the age of the majority of discoveries, only about two-thirds of the tombs can effectively be used to analyse the characteristics and development of this necropolis, and also to compare the funerary practices implemented here with those of the southern Gaul and neighbouring regions.

As in the entire indigenous world of western Languedoc, since the late Bronze Age, the body is systematically incinerated, all age classes are represented except for perinatals and very young children. An evolution of the modes of burial and the composition of the deposits is clearly perceptible. Until the first quarter of the 4th century, tombs without a cinerary vase coexist with those whose ossuary, in most cases an urn or a cream-ware wheel thrown Ibero-Languedoc jug, until the third quarter of the 4th century. A significant change in deposits is observed from the last quarter of the 4th century, the ossuary is from that moment on, rarely the only vase of the tomb. The deceased is accompanied by his personal belongings, burned with him. During this period of more than a century, two facts emerge: the place of the armament and the abundance of fauna deposits.

Throughout the period of use of the necropolis, objects may define different contexts. Ensérune is key-site for this approach centred around the contact between cultures, in this indigenous world open essentially on three horizons: the Iberian, Greek and Latenian worlds. In the second Iron Age, it seems that these exogenous influences are less superficial than before, without however upsetting the indigenous background, as evidenced by the continuity of funerary practices. In this mixture of material cultures, probably favoured in Ensérune by the particular case of its geographical situation, this Ibero-Languedocian group set between the Hérault river and the Pyrenees, presents a mixture of Mediterranean and rather minor continental elements, except in the field of armament or ornament where Latenian schemes dominate. The discovery of important necropolises, approached with the requirements of funerary archaeology now in place, would undoubtedly make it possible to advance more incisively on the fineness of these changes or the details of some death related practices and the compositions of the staged objects. Nevertheless, Ensérune remains an exceptional necropolis, by the mass and the informative quality of the furnitures and assemblages, but also by the role that this excavation has played in the emergence and development of the archaeological discipline since the early twentieth century.